« Innovation », « disruption »… Ces concepts à la mode sont dans toutes les bouches en ce début d’année. Une brève recherche sur internet nous permet de constater qu’ils sont presque toujours associés au numérique et au digital. A terme, il pourrait en résulter comme un sentiment d’inachevé.
En effet, n’en oublierions-nous pas l’essence humaine et managériale de toute transformation en entreprise ?
- Que représente l’ « innovation humaine » en Office ?
- Innovation digitale et innovation managériale se concurrencent-elles réellement ?
- Que risque-t-on en se dispensant d’innovation managériale ?
- Les difficultés rencontrées par le Notariat, nous les connaissons. Actionnons-nous les bons leviers pour les résoudre ?
Ce billet entend notamment étudier une solution dont il est recommandé d’user sans modération : celle de l’innovation… humaine !
Peut-on parler d’ « innovation humaine » ?
Pour y répondre, rien de tel qu’un retour à la définition des termes. L’innovation représente la recherche constante d’améliorations de l’existant et se différencie en cela de l’invention, qui, quant à elle, vise la création de nouveautés.
Le Notariat, c’est de l’humain avant tout. De l’humain dans la relation clients qui est au centre et au cœur du métier. De l’humain dans la relation entre employeurs et collaborateurs. La relation humaine caractérise le Notariat et force est de constater qu’elle n’est malheureusement pas toujours au beau fixe.
Quand on a encore tant de mal à conserver ses collaborateurs, à en attirer de nouveaux, à trouver un rythme confortable de travail, à éviter la surchauffe, à maintenir une cohésion d’ensemble, à entériner son leadership, à s’organiser autour de process efficaces, il semble opportun (voire urgent) de s’intéresser à l’innovation… humaine !
Alors qu’entendons-nous par « innovation humaine » ?
L’innovation humaine c’est d’abord un état d’esprit. C’est considérer que sans ses forces vives, sans son équipe, une entreprise et donc une Etude notariale n’est rien.
Innover dans l’humain, c’est valoriser, faire fructifier, magnifier la collaboration humaine. C’est permettre que le travail soit enrichissant intellectuellement, que la reconnaissance soit au rendez-vous. C’est faire en sorte, techniquement et quotidiennement, que l’épanouissement et l’enthousiasme soient réels. Innover humainement dans son Etude, c’est considérer l’Homme dans toute son intégrité et dans tout ce qui fait de lui un être différent d’un robot prévisible. L’innovation humaine en Office, c’est prêter un regard attentifs aux attentes des Hommes, tant celles des clients, que celles des collaborateurs, des associés, des partenaires, etc.
Innover humainement c’est donc se demander, sans cesse et toujours, comment faire pour que son équipe, au grand complet, puisse donner satisfaction au client en trouvant elle-même pleine satisfaction dans son travail.
Il semble ainsi qu’il soit tout à fait possible de parler d’ « innovation humaine », car qui pourrait se targuer de tout savoir des relations humaines ? Qui pourrait affirmer avoir tout testé, tout tenté ? Le modèle notarial actuel est-il réellement suffisamment performant pour pour que nous puissions nous exonérer d’un quelconque renouvellement en termes de management et d’organisation ?
- Combien d’employeurs et de managers se demandent comment motiver un collaborateur qui ne réagit pas aux mêmes stimulis motivationnels que ses collègues ?
- Combien s’interrogent sur le point de savoir pourquoi ils ne parviennent pas à mettre fin au turn-over, alors même que les avantages salariaux sont déjà nombreux en interne ?
- Combien se disent aujourd’hui déstabilisés par les attentes des nouvelles générations ?
- Combien constatent que les attentes et les réactions des clients ne sont plus les mêmes aujourd’hui et nécessitent, pour les satisfaire, de réfléchir à un nouveau modèle ?
Les solutions à ces challenges pourront se trouver dans l’intelligence émotionnelle, dans la démarche managériale, dans la communication, dans le marketing, dans le digital… ces disciplines étant elles-mêmes complémentaires. Il s’avère cependant que certains canaux soient plus utilisés que d’autres par les décideurs, en première intention. La transformation digitale en fait partie.
Prenons le temps de nous demander pourquoi les managers ne passent souvent pas par la case innovation humaine et managériale avant de se tourner vers la transformation digitale ? Pour quelles raisons avons-nous l’impression que l’innovation humaine retient moins l’attention des décideurs ?
- Est-ce parce que la transformation numérique est à la mode ?
- Est-ce parce que l’innovation humaine demande aux managers des compétences relativement rares ?
- Est-ce parce que cela exige un investissement très conséquent au quotidien et que rien ne peut jamais être tenu pour acquis ?
- Est-ce parce que cela est moins séduisant (moins d’anglicismes, moins de subventions publiques, moins de visibilité a priori sur les réseaux sociaux) ?
Si tel est le cas, ce serait bel et bien négliger le véritable intérêt de l’innovation humaine, soit celui de se sentir bien dans son job, d’être un employeur responsable, de satisfaire ses collaborateurs, ses clients, ses partenaires, de maintenir un haut niveau de qualité de vie au travail pour toute son équipe… Quelles innovations technologiques permettent d’obtenir un sentiment de satisfaction et d’épanouissement aussi fort que celui de savoir qu’on est un bon manager ? Prenons le temps de nous poser cette question absolument essentielle.
Parfois, la priorité est très clairement donnée à l’innovation digitale dans des Offices dont la santé managériale est déjà vacillante. Cependant, transformer digitalement son Office ne permet pas de redresser une Etude dont les relations humaines sont en souffrance. L’innovation digitale n’est pas un palliatif à un déficit de management en interne. Sans accent mis au préalable sur l’Homme, il y a fort à parier que la transformation digitale soit un échec, comme nous allons le voir.
Que risque-t-on en ne passant pas par la case « innovation humaine » dans son Office ?
➡️ Le Notaire-manager qui ne se concentre pas, en premier lieu, sur la qualité de vie au travail de ses collaborateurs, risque de voir les départs s’enchaîner. Nous l’avons très nettement constaté depuis maintenant plusieurs années.
A défaut de quitter l’Office, les collaborateurs pourraient a minima ne pas s’engager dans les différents changements envisagés.
Impossible ou du moins inefficace de demander à ses collaborateurs de faire preuve de créativité, la plupart du temps gratuitement, s’ils ne se sentent pas épanouis dans leur travail.
Compliqué de leur demander de changer leurs méthodes, process et outils de travail et donc de souffrir d’une désorganisation, même relative.
Délicat de leur demander de prendre sur leur temps de travail pour permettre la création de valeur envers une structure qui, selon eux, ne leur rend pas en termes de reconnaissance et de valorisation.
Il est très important de rappeler qu’il n’y a pas de concurrence voire d’incompatibilité entre innovation humaine et innovation digitale.
En effet, l’innovation digitale peut très bien être, en elle-même, un vecteur efficace de satisfaction des équipes. En fournissant un co-équipier ou un assistant virtuel à ses collaborateurs, un employeur pourra leur permettre de mieux gérer leurs journées et de réduire une charge de travail par exemple administrative. Pour autant, pour que cela fonctionne, il faudra au préalable avoir reçu l’approbation de ces mêmes collaborateurs et donc avoir réussi à dépasser leurs éventuelles angoisses. Seule une conduite de changement réalisée de A à Z sans approximation permettra cela.
Sans conduite de changement…, pas de changement !
Cela, les équipes digitales le savent bien. Sans management appuyé, précis, technique et assidu, pas de réussite du changement à espérer. C’est pour cette raison que très souvent, les éditeurs d’applications et de logiciels se montrent assez insistants en matière de formation et que leurs équipes dédiées sont très présentes auprès des utilisateurs finaux des outils.
Mais former les collaborateurs ne suffit pas, tout comme il ne suffit pas d’acheter ou de s’abonner à un nouvel outil digital pour valider une transformation. Les exemples multiples de transformations inachevées le prouvent. Pour que la transformation digitale vers un nouvel outil soit un succès, il faut que l’utilisateur final l’utilise ! Et pour cela, il faudra avoir réussi à faire valider, à ce collaborateur, la question même du changement. Le nec plus ultra serait que l’idée de changement vers cet outil soit venue de l’équipe elle-même, pour que l’acceptation, l’appropriation et l’assimilation soient réelles.
Être un bon manager, c’est bien-sûr savoir s’entourer de personnes susceptibles de conduire la structure vers des projets à forte création de valeur. Ces personnes, il va falloir les attirer, les conserver et les engager dans le projet collectif. On retrouve bien ici notre concept d’innovation humaine !
L’habilité est donc de mise dans la gestion du timing, des susceptibilités, des croyances structurantes limitantes, des obstacles culturels… Le Notaire-manager de demain se doit d’être très agile et innovant dans une organisation qui se voudra de plus en plus autonomisante. Le choix de l’innovation digitale sans innovation humaine n’est pas concevable. En ce début 2021, prenons conscience que l’une n’ira pas sans l’autre !