L’OFFICE NOTARIAL,
UNE PME COMME LES AUTRES ?
Focus sur le Conseil et la Formation continue en Gestion des Ressources Humaines et Management
du Notaire - Chef d’entreprise.
Une PME, et a fortiori une TPE, intègre rarement en son sein une personne chargée de la Gestion des Ressources Humaines (G.R.H).
La « Fonction RH » n’est donc, dans la majorité des TPE / PME, pas structurée en interne, du moins jusqu’à ce que ces dernières n’atteignent un certain effectif. Sur ce point, l'Office notarial ne fait pas exception à la règle.
Emploi, motivation, organisation, communication, mise en mouvement de l’équipe, contrôle, évaluation (…) sont des missions dont une entreprise ne peut se départir. La Gestion des Ressources Humaines n’est pas une option. Elle est un impératif pour la pérennité de toute structure et s’accompagne de différentes obligations légales, comme par exemple la tenue d’entretiens individuels annuels rendus obligatoires par la Convention collective, ou plus largement, la prévention des risques psychosociaux, la gestion des contrats, des congés, etc.
Elle est aussi un réel levier de compétitivité puisque l’expérience client dépend de l’expérience collaborateur. Nous pourrions aller jusqu’à dire que les collaborateurs sont les premiers clients de l’Office. La satisfaction des « clients » internes comme externes est donc liée et les Notaires en ont pleinement conscience.
Alors, qui est chargé de la GRH en pratique dans les TPE/PME que constituent les Offices notariaux ? Le Notaire - Chef d’entreprise bien sûr, qui n’est autre qu’un véritable manager de proximité.
Partagé entre ses fonctions de Juriste et de Dirigeant, ses responsabilités sont grandes et ses missions s’amoncellent dans un cadre temps contraint. Notons par ailleurs que si le Notaire - Chef d’entreprise a toujours bénéficié d’une formation universitaire exigeante pour l’aspect juridique (Notaire), il est rare que cela ait été le cas s’agissant de l’aspect managérial (Chef d’entreprise).
Le Notaire - Chef d’entreprise se fait alors souvent aider, par exemple en interne par son Comptable-taxateur, lui-même parfois en charge des paies, des congés, des contrats de travail, etc. Il requiert également fréquemment des avis externes, comme celui de son Expert-comptable, dont le rôle est bien souvent de tirer la sonnette d’alarme sur des sujets relatifs au droit social. Il se tient aussi à l'écoute du gestionnaire du numérique et du parc informatique de l’Etude, sur toutes les questions d’organisation digitale.
Ce quatuor gère ainsi l’Office, sans pour autant que l’un d’eux n’ait réellement reçu au préalable la formation qui s’impose en Gestion des Ressources Humaines et en Management de TPE/PME.
Dans un précédent billet, nous avions évoqué l’arrivée progressive des "Offices Managers" (également nommés « Directeur/trice ») dans le Notariat. Il s’agit de collaborateurs d’une polyvalence importante qui ont souvent, eux, reçu une formation initiale orientée GRH. Cette embauche reste toutefois relativement peu fréquente et semble réservée à des Offices qui, déjà, dépassent un certain effectif (à partir d’environ 40/50 collaborateurs).
Comme nous venons de le constater, rare est l’internalisation de la « Fonction RH » dans les Offices notariaux.
L’Office notarial, comme toute TPE/PME, répond à des constantes culturelles au nombre desquelles nous retrouvons une réelle et sensible réticence à la consultation.
On entendra ici par "consultation" une prestation payante ponctuelle et/ou régulière réalisée par un tiers sélectionné par l’Office. Nous mettrons ainsi de côté les interventions gracieuses dont peuvent bénéficier les structures, notamment en tant que membres d’une corporation.
Si les praticiens n’éprouvent pas de réserve particulière à se tourner vers un professionnel du recrutement, il n’en va pas nécessairement de même s’agissant du conseil managérial et organisationnel et de la formation continue en Gestion des Ressources Humaines et Management.
Certains motifs semblent provenir d’une culture partagée globalement par l’ensemble des TPE/PME :
- Une question de coût,
- Un manque de sensibilisation. Beaucoup ne connaissent pas l’existence, pour leur structure, d’un tel service et partant, n’en distinguent pas l’utilité. En effet, la GRH est encore à ce jour fréquemment réduite au respect pur et simple d’obligations juridiques et comptables.
- Une volonté affirmée de diriger « à l’intuition », « comme on a toujours fait jusqu'à présent ». Peut-être par crainte du changement à venir ; peut-être par peur de perdre de leur leadership,
- Un souhait, voire une exigence, d’obtenir des outils « pratico-pratiques », immédiatement opérationnels. Cela se ressent très nettement avec l’avènement du digital. Nombre de praticiens ont tendance à préférer l’option pour la souscription à un nouvel outil, éventuellement par effet de mode, sans profiter de l’occasion qui leur est donnée d’embarquer les équipes dans un projet commun et humain visant une performance durable.
D’autres justifications sont propres à la culture d’entreprise notariale :
- Se faire conseiller dans la gestion de ses Ressources Humaines ? Serait-ce une aberration pour un professionnel du conseil en BtoC / BtoB ?
- Une forme de « paternalisme », encore relativement présent dans certains Offices,
- Des déceptions liées à des interventions antérieures menées par des Consultants non spécialisés, ne connaissant ni la profession notariale ni ses impératifs et ayant proposé des solutions peu opérationnelles. Déception aussi de ne pas avoir été aidés dans la mise en œuvre concrète des solutions suggérées.
Et ce n’est pas tout. Il semble en effet indispensable que ce même Consultant soit également spécialisé dans l’accompagnement des TPE/PME.
Or, ces professionnels sont rares et naturellement, leur intervention est foncièrement différente de celles réalisées auprès de grandes entreprises.
Faire intervenir un Consultant d’un grand groupe est toujours flatteur, tout comme l’est de demander à un Meilleur Ouvrier de France ou encore un ancien Militaire de venir échanger quelques heures avec ses équipes. Cette démarche est bien-sûr intéressante, tant pour soi que pour l’image de l’entreprise. Mais s’agit-il vraiment d’une approche visant la revue globale de la GRH, accompagnée de l'opérationnalité tant recherchée ?
Les impératifs d’une multinationale sont-ils les mêmes que ceux d’un Office notarial, si ambitieux soit-il ?
Les solutions organisationnelles et managériales applicables à l’armée ou à des entreprises industrielles et/ou commerciales sont-elles également toujours parfaitement adaptées à l’Etude notariale, laquelle appartient à une profession réglementée et tenue à une certaine déontologie, un tarif, etc. ?
La question se pose aussi s’agissant de la mise en place d’un Système de Management de la Qualité (SMQ) et d’un projet de certification ISO 9001. Comment aider à la mise en place d’une organisation durable et pérenne sans avoir pleinement conscience de ce qu’est intrinsèquement le Notariat, de ce que sont les attentes de ses membres et celles de ses clients ?
N’oublions pas non plus ce que le Professeur émérite Henri Mahé de Boislandelle a nommé l’« effet de grossissement », concept qui entérine le fait que « tout est stratégique en PME ».
Le départ d’un collaborateur, le passage d’un salarié d’un service à un autre, une promotion, une augmentation salariale (…) ne sont pas anodins pour une petite structure. Ce type d’événement a par ailleurs souvent une réelle incidence sur le climat social. L’impact global est d’autant plus important que l’effectif est restreint, alors qu’un tel aléa pourrait presque passer inaperçu dans une grande entreprise.
Par ailleurs, conseiller des Notaires - Chefs d’entreprise nécessite aussi de prendre en considération et de comprendre la complexité de la personnalité de chacun des Dirigeants, car toute la dynamique de l’Office en dépend.
Dès lors, l’analyse de la structure doit accorder une place centrale au(x) Dirigeant(s), en tant que principaux moteurs (et parfois freins) de la dynamique de l’Office.
Le Consultant d’un Office notarial doit ainsi prendre en compte l’environnement et le contexte dans lesquels l’intervention a vocation à être menée, c’est-à-dire en l’occurrence une TPE/PME dont les membres bénéficient d’une culture à part entière et exercent une activité très particulière : celle de sécuriser juridiquement les moments clés des projets personnels et professionnels de leurs clients.
Publié par Marianne Genévrier le 25 janvier 2022
* Pour aller plus loin : étudier les multiples travaux du Professeur émérite en sciences de gestion Henri Mahé de Boislandelle.
