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IA ET NOTARIAT, QUELS SONT LES ENJEUX POUR LE MANAGEMENT, LA GESTION DU CHANGEMENT, LA TRANSFORMATION DIGITALE

Lorsque nous sommes face à une démarche de digitalisation, nous pensons immédiatement « informaticiens ». Raisonnement logique bien-sûr, mais incomplet. Omettre de placer les managers au cœur du projet est un mauvais calcul. Les questions qui se posent dans le cadre d’un projet de transformation digitale ne relèvent pas uniquement de la compétence des équipes techniques. Certaines d’entre elles ont bien vocation à être traitées par les managers. 

Sans management, tout projet aussi innovant et porteur soit-il, risquera l’échec. C’est pour cette raison que de nombreuses avancées, technologiquement performantes, ne parviennent à aboutir, ce qui est bien entendu regrettable. Ces projets onéreux visent avant-tout un gain de productivité. Or, ces échecs obèrent substantiellement la santé financière de l’entreprise, de même que le crédit et la confiance accordés aux décideurs par les collaborateurs et les clients.

Quelle est donc la place des Notaires Managers dans la transformation digitale de leurs offices ? L’IA facilite-t-elle le rôle des Managers dans la prise de décision ?

Réussir la transformation digitale dans l’office 

Qui dit changement dit innovation, prise de risques, transformation, etc.

Mais en management, le changement c’est aussi devoir gérer la résistance, l’opposition, les obstacles, les blocages… pour aller vers le succès du projet. Dans une entreprise et donc dans une Etude notariale, la gestion du changement est une conquête. “Il n’y a rien de plus difficile à réaliser, ni dont le succès soit plus douteux, ni plus dangereux à mettre en oeuvre, que de changer l’ordre des choses” énonçait Machiavel[1].

Et pourtant, c’est bien ce que poursuivent les entreprises lorsqu’elles amorcent un changement. L’objectif est que le personnel travaille différemment, avec des outils, des comportements, des réflexes nouveaux. Ce processus n’est jamais aisé et les managers doivent rivaliser d’ingéniosité pour faire en sorte que le projet soit une réussite.

C’est ici que l’aspect managérial est primordial car le comportement humain des parties prenantes n’est pas prévisible. Sans pilotage managérial du changement… pas de changement.

Alors comment faire ? 

S’il n’existe pas de méthode miracle, des techniques se distinguent. C’est le cas de l’école Socio-technique[2]. En très bref, cette école de pensée met au premier plan la prise en compte de l’utilisateur final de l’outil digital, grâce à un processus de participation au projet. L’objectif est que le nouvel outil puisse répondre aux besoins de l’utilisateur final afin que ce dernier soit satisfait, l’utilise et donc participe à la réussite du projet.

Comme toutes les méthodes, celle de la participation rencontre des écueils. Multiplication des réunions, manque d’engouement et de créativité, traitement délicat des conflits dans une recherche perpétuelle du consensus… La méthode participative ne vainc pas toutes les résistances. Et il serait erroné de penser que les collaborateurs font toujours bloc face aux dirigeants. Parfois, des divergences interviennent entre pairs.

Prenons un exemple : 

Un office se dote d’un système qui permet la connexion des collaborateurs uniquement dans les heures d’ouverture de l’office. Après avoir entériné, au cours d’une réunion, la mise en place du nouvel outil, l’équipe dirigeante en informe l’ensemble des salariés et leur explique que cela vise à éviter les heures supplémentaires et prévenir les risques psychosociaux liés notamment au télétravail.

Sans surprise, les télétravailleurs s’opposent à l’utilisation de ce logiciel, par peur de perdre ce qu’ils apprécient dans le travail à distance, à savoir pouvoir se connecter parfois très tôt le matin, tard le soir, faire une journée en non-stop, travailler le week-end, etc. Les travailleurs en présentiel sont quant à eux satisfaits de la démarche qu’ils réclamaient depuis longtemps.

La division des équipes sur ce sujet menace la stabilité et la cohésion d’ensemble de l’office.  Cela place les dirigeants dans une situation délicate. Quoi qu’ils décident, ils sembleront favoriser l’une ou l’autre des coalitions.

Ici, nous ne sommes en présence que de trois groupes bien distincts, un partisan, un opposant et un troisième formé par la Direction. Cela nous confère une bonne visibilité de la situation. Tel n’est pas toujours le cas, loin s’en faut, d’une transformation digitale de grande envergure. Dans ce cadre, il est à prévoir que de multiples coalitions se forment, avec en leur sein des personnes qui, pour tels et tels enjeux seront favorables au projet et pour d’autres, lui seront défavorables. Cela complique énormément la donne.

Pour éviter de se retrouver au pied du mur, il existe des préalables indispensables à toute conduite de changement. Il s’agit de plusieurs questions clés qui, posées très en amont, visent à se demander qui, dans l’entreprise, a intérêt à ce que le projet réussisse/échoue et à identifier les membres de chaque coalition. Comprenons bien que le projet susceptible de réussir sera toujours celui porté par la coalition la plus puissante. Or, qu’est-ce que la puissance et le pouvoir en entreprise ? Est-ce le nombre ? Est-ce la compétence ? Est-ce le fait d’appartenir à la Direction ou à sa famille/ses proches ? La question mérite d’être posée, notamment s’agissant des Etudes notariales qui, pour beaucoup, sont encore familiales.

Aux managers de savoir identifier et gérer les conflits qui s’opposent au changement. Cela exige de réunir un certain nombre de compétences, en termes de négociation stratégique, voire tactique. Dans notre exemple, il est probable que si ses questions clés avaient été posées en amont, la situation aurait été différente avec une toute autre stratégie d’approche. C’est cela, la gestion du changement.

Qu’est-ce qu’un changement « réussi » ?

Lorsqu’une entreprise décide d’intégrer dans le travail quotidien l’utilisation d’un nouvel outil numérique, elle doit prendre en compte trois dynamiques : l’adoption, l’assimilation et enfin l’appropriation. Revenons plus en détails sur le troisième aspect. 

L’appropriation correspond à l’utilisation concrète de l’outil par chaque utilisateur. Si le réflexe n’a pas été pris, malgré une période d’assimilation menée en bonne et due forme par de la sensibilisation et de la formation, la structure se sera dotée d’un outil qui n’est pas utilisé. On parlera alors d’échec du changement. Il est on ne peut plus clair, ici, que l’IA sans management ne peut fonctionner puisque l’agent humain, en bout de chaine, est susceptible de la faire dérailler.

Il se peut également que l’outil en question soit utilisé, mais que l’usage ne soit pas celui initialement attendu par la structure. Cela arrive fréquemment, l’usage des outils numériques étant par nature protéiforme et relativement souple. Il adviendra aux managers de prendre les décisions qui s’imposent le cas échéant.

Prenons un exemple :

Nous sommes dans une Etude, qui, souffrant de l’avalanche d’e-mails, a mis en place une messagerie interne instantanée, dédiée au traitement des dossiers en équipes. Cela visait à décharger les boites mails de tous les échanges internes et à permettre, pour les dirigeants, un contrôle desdits échanges.

Après plusieurs mois d’utilisation, l’équipe dirigeante se réunit et constate que les employés n’usent pas de l’outil comme ils le devraient. En effet, les échanges ne concernent que très peu le travail. Ils sont majoritairement dédiés à la réservation du restaurant pour le déjeuner ou concernent le cours de Pilates à la sortie de l’Etude.

Les managers s’interrogent. Que faut-il faire ? Stopper l’utilisation de l’outil ? Rappeler à l’ordre les employés ? Programmer une nouvelle session de sensibilisation et de formation ? Proscrire tout échange informel ? Et si, tout compte fait, cette utilisation dévoyée était une bonne chose ? Si cela favorisait la cohésion dans l’équipe et permettait aux collaborateurs d’entretenir de bonnes relations ? Si ce climat rejaillissait sur leur engagement dans le projet commun ?

L’on décèle bien ici le rôle du manager. Voyons ce qu’il en est plus en détails. 

L’IA, le Manager et la prise de décision

Ce n’est pas parce que l’IA fait son entrée dans une entreprise que le manager en perd son pouvoir de décision. Au contraire. En réalité, il le conserve dans son intégralité, tout en disposant d’un outil qui aura pour objectif de lui confier des données et donc une aide permettant la prise de décision.

Prenons un exemple :

Nous nous situons dans une Etude qui vient d’intégrer un PGI (Progiciel de Gestion Intégrée, encore appelé ERP : Enterprise Ressource Planning). 

–       Isabelle est dans le service de Maître Arnaud. Le tableau de bord du PGI indique qu’elle gère 46 dossiers de vente et qu’elle est en retard sur ses dossiers. Pourtant, il s’agit d’une collaboratrice qui a 6 ans d’expérience, qui est autonome et compétente. Lors de son entretien individuel, elle requiert une baisse de sa quantité de travail ou réclame une augmentation si tel n’est pas le cas.

–       Martin travaille dans le service de Maître Valentina depuis 4 mois. Le tableau de bord du PGI indique qu’il gère 58 dossiers de vente. Son retard est moindre, ses dossiers avancent. 

Deux possibilités s’offrent aux managers. La première est de suivre à la lettre la machine et de comparer le nombre de dossiers et le retard de chaque collaborateur. Selon cette méthode, Isabelle devra redoubler d’efforts et même accueillir davantage de dossiers. 

La seconde est de prendre en considération les données informatiques tout en se posant de multiples questions complémentaires : Martin ne trouverait-t-il pas sa motivation dans d’autres facteurs ? Ne devrions-nous pas coupler ces données avec le service concerné ? Maître Arnaud est-il plus exigeant ? L’ambiance est-elle au beau fixe ? Existe-t-il des tâches non comptabilisées par le logiciel ? (formation d’un stagiaire, absence d’un collègue…). Ne devrions-nous pas comparer les parcours d’Isabelle et de Martin, leur ancienneté, leur progression de salaire depuis leur arrivée ? 

Au final, la réponse pourra être la même. Isabelle, pour un certain nombre de raisons, n’obtiendra peut-être pas ce qu’elle demande. A contrario, la situation pourra avoir l’intérêt de mettre l’accent sur le fait que la motivation a besoin d’être sans cesse renouvelée par des leviers multiples et que l’autonomie d’un collaborateur n’exonère pas son manager de ce travail.

En tout état de cause, l’utilité de la seconde démarche est de permettre aux managers de ne pas se cacher derrière la machine. Ils conservent leur libre arbitre, leur capacité de réflexion et d’interprétation des données. C’est en cela que l’IA ne peut être envisagée sans management.

Pourquoi est-ce primordial ? Car outre la satisfaction du travail accompli, le manager demeure le seul responsable des conséquences de ses décisions. Si l’IA a pour objectif d’aider le manager, la prise de décisions n’en sera pas forcément plus aisée. La machine, aussi précieuse soit-elle, reste un outil. 

De nouveaux enjeux managériaux

Les avancées technologiques dont se dotent progressivement les entreprises posent de nouvelles questions managériales, puisque les managers baseront de plus en plus leur raisonnement sur les suggestions provenant de ces outils modernes.

Prudence est donc de mise pour ces décisionnaires, car l’IA peut commettre des erreurs. En effet, ses suggestions se basent sur les données qui lui sont soumises. Et si ces données sont de mauvaise qualité, le résultat l’est également et cela, même si l’outil fonctionne correctement techniquement parlant. S’agissant tout particulièrement de l’Apprentissage automatique – le machine learning – les résultats pourront être mauvais par manque d’expérience de la machine elle-même par exemple.

Au manager de savoir quelles suggestions utiliser et comment les intégrer à son travail.

Rappelons par ailleurs que rien ne sert de se doter d’un outil couteux si nous n’en suivons jamais les suggestions… Ce n’est pas parce que ces dernières sont contraires au sens commun, qu’elles doivent être nécessairement laissées de côté. 

L’équilibre, tout autant que la prise de position du manager, exigera de plus en plus de finesse et de subtilité. Gardons-nous bien de considérer que l’IA rend le rôle du manager plus aisé. Il se pourrait bien que ce soit l’inverse… ! 

[1]Machiavel N., Le Prince,Folio, 2007 

[2]Tavistock Institute of Human Relations – 1950

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